Allez, un p'tit tour par la philosophie en passant par la biologie.
Y'a un type qui s'appelle Morin, Edgar de son prénom. Et ce type essaie de penser la complexité. (si tu veux y'a un tout petit bouquin de lui qui traîne en librairie (1))
Et alors, vas-tu me dire, qu'est ce que ca peut bien nous faire à nous, petits humains vivant en 2008 après la naissance de not'cher Jesus Christ, de penser la complexité?
Ca nous apprend, un peu, à nous enlever nos œillères. Je récapitule: D'abord y'a le monde, qui vit tranquillement sa vie. Après viennent les humains, qui commencent à créer tout un tas de trucs, à se créer un monde propre, dont celui de la pensée. Avec la pensée, on met des mots sur les phénomènes de jalousie, d''égoïsme, de domination. On en est plus ou moins là. Mais ces notions que l'on met si facilement en avant ne sont pas les seules. Il y a aussi l'amour, l'altruisme, le partage. C'est ça la complexité. Penser que le monde n'est pas régi par une loi, par mille lois, mais par des relations entre ces lois - y' pas de haine sans amour qu'on dit.
Darwin a raison, pas pour tout, mais quand il définit la survie comme un combat, entre le plus adapté et le moins adapté.
Kropotkine a raison, pas pour tout lui non plus, mais quand il définit la lutte pour la survie en tant qu'entraide, entre le plus adapté et le moins adapté.
Franchement, le vilain petit canard, sans l'aide apportée par sa mère d'adoption, il vit comment?
Et nous, les p'tits humains, sans les autres amimaux, on fait comment? On fait comment pour bouffer? Et les vieux humains, ils font comment eux? Ils donnent le susucre à leur télé plutôt qu'à leur chien?
C'est pas si simple tout ça. Ça se résume pas à une pensée, à une théorie unique, fût-ce-t-elle élégante comme celle de Darwin ou celle de Kropotkine.
Par contre, là où ça bloque, c'est quand des types comme toi et moi sommes convaincus que l'un ou l'autre a raison, et que les autres ont tort. La seule chose qui pourrait être sans lien avec rien d'autre, c'est dieu. Et encore, ils le déclinent en filiales: dieu-le-saint-esprit, dieu-le-fils, dieu-le-père...
Même quand je prends le minod que je suis, je n'existe pas en tant qu'un (c'est à dire dissocié de tout autre), car je suis de toutes façons raccordé au monde qui m'entoure (complexité disions nous).
C'est comme les mathématiques, qui ne forment pas seulement une discipline en elle et pour elle, mais se rapportent aussi à tout un tas d'autres disciplines, et donc au monde. Et ainsi de suite, jusqu'à la peinture. Jusqu'à l'architecture.
Revenons-en à notr'cher Darwin. Et pourquoi, à ton avis, sommes nous sûrs de la théorie de Darwin, comme si c'était la seule théorie valable? Et bâ parce qu'on nous l'a dit à l'école. On ne nous a pas dit: Darwin a fait une découverte, qui comme toute découverte peut être sujet à réflexion, à contre-analyse, à contre-découverte. On nous a dit que c'était la seule théorie valable. Ça c'est l'école telle qu'elle est. Elle nous dit ce dont les gens qui ont pensé avant nous étaient sûrs. Peu importe que ce soit vrai ou non. Tu connais les créationnistes?
L'école nous dit ce que l'on doit savoir. Non pas ce que l'on pourrait savoir, ce que l'on voudrait savoir. Sauf quand on tombe sur un professeur qui nous donne exactement ce que l'on devait, ou voulait apprendre... (2)
Un petit tour par la philo donc. Commençons par poser des problèmes. Quel problème soulève notre discussion sur Darwin? Une interrogation sur la pensée unique peut être. Mais la pensée unique, franchement, ça ne m'intéresse pas beaucoup. C'est à ses antipodes, au niveau de la mise en commun, que je concentre mes recherches. Au niveau des réseaux de connaissances, d'échanges, comme cyberarchi peut en faire partie. Et des liens qui existent entre de tels réseaux et l'école.
La question pourrait être, s'il faut la formuler, l'école peut-elle fonctionner comme un réseau, ou les réseaux sont-il autant de contre-pouvoirs face à l'école? Et, pour aller un peu plus loin, l'architecture est elle plus du domaine de l'école, c'est à dire du savoir-faire, du travail, du monde tel qu'il est, plutôt que du domaine de l'université, c'est à dire du savoir, de la recherche, du monde tel qu'il pourrait être? Les deux mon général. Le but de nos institutions archi-scolaires n'est-il pas, pourtant, de faire sortir un quota de jeunes diplômés en architecture, plutôt que de les pousser à réinventer une pratique qui ne demande que cela?
A l'heure de cette trop fameuse mondialisation, qui s'est amorcée avec l'empire romain, l'empire napoléonien, et toutes les autres tentatives restées sur la touche, notre fonction d'architecte n'inclut-elle pas la prise de conscience de ces notions mêmes de mise en commun? Car la mondialisation, c'est bien une mise en commun de notre patrimoine mondial. A tort ou raison d'ailleurs. Et cette mise en commun, c'est tout aussi bien apprendre à travailler avec l'ingénieur qu'avec le maçon. Apprendre à travailler avec le simple boulanger qui veut sa maison, qu'avec une ville de vingt millions d'habitants comme São Paulo. Et c'est même apprendre à travailler avec d'autres architectes, pour régler des problèmes comme le plus gros mouvement migratoire contemporain, ces deux cents mille personnes qui affluent chaque jour, dans le monde entier, de leur campagne vers les villes... (3)
L'interdisciplinarité, qui m'attire tant, et cette notion de complexité citée plus haut, reflètent un peu ce questionnement. Mais seulement si on prend ces notions à des échelles diverses. Travailler ensemble. Ensemble c'est à dire en se comprenant, en s'entraidant pour reprendre notr'cher Kropotkine.
En un mot pour conclure, forme-t-on des architectes capables de poser ces problèmes d'entraide nécessaire?
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(1) Edgar Morin, introduction à la pensée complexe, Paris, ESF, 1990, 158 p.
(2) " Un véritable système éducatif devrait proposer trois objectifs. A tous ceux qui veulent apprendre, il faut donner accès aux ressources existantes, et ce à n'importe qu'elle époque de leur existence. Il faut ensuite que ceux qui désirent partager leurs connaissances puissent rencontrer toute personne qui souhaite les acqérir. Enfin, il s'agit de permettre aux porteurs d'idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter l'opinion publique, de se faire entendre. "
Ivan illich, Une société sans école, Paris, Ed. du Seuil, 1971, 187 p.
(3) Visionary Power, producing the contemporary city, catalogue de l'exposition de la biennale d'architecture de Rotterdam, NAi Publishers, 2007, 295 .p
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