Tuesday 13 September 2011

Compétences.

Contre l'idéologie de la compétence, l'éducation doit apprendre à penser

Comment réinventer l'école ? | LEMONDE | 02.09.11 | 12h46

Marcel Gauchet : Nous sommes en proie à une erreur de diagnostic : on demande à l'école de résoudre par des moyens pédagogiques des problèmes civilisationnels résultant du mouvement même de nos sociétés, et on s'étonne qu'elle n'y parvienne pas... Quelles sont ces transformations collectives qui aujourd'hui posent à la tâche éducative des défis entièrement nouveaux ? Ils concernent au moins quatre fronts : les rapports entre la famille et l'école, le sens des savoirs, le statut de l'autorité, la place de l'école dans la société.

A priori, famille et école ont la même visée d'élever les enfants : la famille éduque, l'école instruit, disait-on jadis. En pratique, les choses sont devenues bien plus compliquées.

Aujourd'hui, la famille tend à se défausser sur l'école, censée à la fois éduquer etinstruire. Jadis pilier de la collectivité, la famille s'est privatisée, elle repose désormais sur le rapport personnel et affectif entre des êtres à leur bénéfice intime exclusif. La tâche éducative est difficile à intégrer à ce cadre visant à l'épanouissement affectif des personnes.

Philippe Meirieu : Nous vivons, pour la première fois, dans une société où l'immense majorité des enfants qui viennent au monde sont des enfants désirés. Cela entraîne un renversement radical : jadis, la famille "faisait des enfants", aujourd'hui, c'est l'enfant qui fait la famille. En venant combler notre désir, l'enfant a changé de statut et est devenu notre maître : nous ne pouvons rien lui refuser, au risque de devenir de "mauvais parents"...

Ce phénomène a été enrôlé par le libéralisme marchand : la société de consommation met, en effet, à notre disposition une infinité de gadgets que nous n'avons qu'à acheter pour satisfaire les caprices de notre progéniture.

Cette conjonction entre un phénomène démographique et l'émergence du caprice mondialisé, dans une économie qui fait de la pulsion d'achat la matrice du comportement humain, ébranle les configurations traditionnelles du système scolaire.

Dans quelle mesure le face-à-face pédagogique est-il bouleversé par cette nouvelle donne ?

P. M. : Pour avoir enseigné récemment en CM2 après une interruption de plusieurs années, je n'ai pas tant été frappé par la baisse du niveau que par l'extraordinaire difficulté à contenir une classe qui s'apparente à une cocotte-minute.

Dans l'ensemble, les élèves ne sont pas violents ou agressifs, mais ils ne tiennent pas en place. Le professeur doit passer son temps à tenter de construire ou derétablir un cadre structurant. Il est souvent acculé à pratiquer une "pédagogie de garçon de café", courant de l'un à l'autre pour répéter individuellement une consigne pourtant donnée collectivement, calmant les uns, remettant les autres au travail.

Il est vampirisé par une demande permanente d'interlocution individuée. Il s'épuise à faire baisser la tension pour obtenir l'attention. Dans le monde du zapping et de la communication "en temps réel", avec une surenchère permanente des effets qui sollicite la réaction pulsionnelle immédiate, il devient de plus en plus difficile de "faire l'école". Beaucoup de collègues buttent au quotidien sur l'impossibilité deprocéder à ce que Gabriel Madinier définissait comme l'expression même de l'intelligence, "l'inversion de la dispersion".

Dès lors que certains parents n'élèvent plus leurs enfants dans le souci du collectif, mais en vue de leur épanouissement personnel, faut-il déplorer que la culture ne soit plus une valeur partagée en Europe et comment faire en sorte qu'elle retrouve sa centralité ?

M. G. : Le savoir et la culture étaient posés comme les instruments permettant d'accéder à la pleine humanité, dans un continuum allant de la simple civilité à la compréhension du monde dans lequel nous vivons. C'est ce qui nourrissait l'idéal du citoyen démocratique. Ils ont perdu ce statut. Ils sont réduits à un rôle utilitaire (ou distractif).

L'idée d'humanité s'est dissociée de l'idée de culture. Nous n'avons pas besoin d'elle pour exister. Nous sommes submergés par une vague de privatisation qui nous enjoint de vivre pour nous-mêmes et, surtout, de ne pas perdre notre temps àchercher à comprendre ce qui nous environne.

Derrière le slogan apparemment libertaire "faites ce que vous voulez !", il y a un postulat nihiliste : il ne sert à rien de savoir, aucune maîtrise du monde n'est possible. Contentez-vous de ce qui est nécessaire pour faire tourner la boutique, et pour le reste, occupez-vous de vous !

L'école est prise dans ce grand mouvement de déculturation et de désintellectualisation de nos sociétés qui ne lui rend pas la tâche facile. Les élèves ne font que le répercuter avec leur objection lancinante : à quoi ça sert ? Car c'est le grand paradoxe de nos sociétés qui se veulent des "sociétés de la connaissance" : elles ont perdu de vue la fonction véritable de la connaissance.

C'est pourquoi nous avons l'impression d'une société sans pilote. Il n'y a plus de tête pour essayer de comprendre ce qui se passe : on réagit, on gère, on s'adapte. Ce dont nous avons besoin, c'est de retrouver le sens des savoirs et de la culture.

Est-ce à dire que l'autorité du savoir et de la culture ne va plus de soi, classe difficile ou pas ? Et comment peut-on la réinventer ?

M. G. : L'autoritarisme est mort, le problème de l'autorité commence ! Le modèle de l'autorité a longtemps été véhiculé par la religion (puisque les mystères de la foi vous échappent, remettez-vous en au clergé) et par l'armée (chercher àcomprendre, c'est déjà désobéir). Ces formes d'imposition sans discussion se sont écroulées, et c'est tant mieux ! Mais il faut bien constater qu'une fois qu'on les a mises à bas, la question de l'autorité se repose à nouveaux frais. Pourquoi cette question est-elle si importante à l'école ?

Tout simplement parce que l'école n'a pas d'autre moyen d'action que l'autorité : l'emploi de la force y est exclu et aucune contrainte institutionnelle n'obligera jamais quelqu'un à apprendre. La capacité de convaincre de l'enseignant dans sa classe repose sur la confiance qui lui est faite en fonction du mandat qui lui est conféré par la société et garanti par l'institution. Nous sommes là pour l'appuyer dans ce qui est une mission collective.

Or ce pacte est aujourd'hui remis en question. Les enseignants en sont réduits à leur seul charisme. Ils travaillent sans filet et sans mandat institutionnel clair. La société n'est plus derrière eux, à commencer par leur administration. C'est ce qui aboutit à la crise de l'autorité à l'école : les enseignants sont là au nom d'une collectivité qui ne reconnaît pas le rôle qu'ils exercent.

P. M. : L'autorité est en crise parce qu'elle est individuée et qu'elle n'est plus soutenue par une promesse sociale partagée. Le professeur tenait son autorité de son institution. Aujourd'hui, il ne la tient plus que de lui. L'école garantissait que l'autorité du professeur était promesse de réussite - différée, mais réelle - pour celui qui s'y soumettait.

Aujourd'hui, la promesse scolaire est éventée et le "travaille et tu réussiras" ne fait plus recette. L'école, qui était une institution, est devenue un service : les échanges y sont régis par les calculs d'intérêts à court terme. Le pacte de confiance entre l'institution scolaire et les parents est rompu. Ces derniers considèrent souvent l'école comme un marché dans lequel ils cherchent le meilleur rapport qualité/prix.

Le défi qui s'ensuit est double. Nous devons d'abord réinstitutionnaliser l'école jusque dans son architecture. Si les lycées napoléoniens ont si bien fonctionné, c'est qu'à mi-chemin entre la caserne et le couvent, ils alliaient l'ordre et la méditation. Réinstitutionnaliser l'école, c'est y aménager des situations susceptibles de susciter les postures mentales du travail intellectuel.

Il est essentiel d'y scander l'espace et le temps, d'y structurer des collectifs, d'yinstituer des rituels capables de supporter l'attention et d'engager l'intention d'apprendre...

Nous devons ensuite, contre le savoir immédiat et utilitaire, contre toutes les dérives de la "pédagogie bancaire", reconquérir le plaisir de l'accès à l'oeuvre. La mission de l'école ne doit pas se réduire à l'acquisition d'une somme de compétences, aussi nécessaires soient-elles, mais elle relève de l'accès à la pensée. Et c'est par la médiation de l'oeuvre artistique, scientifique ou technologique que la pensée se structure et découvre une jouissance qui n'est pas de domination, mais de partage.

La réinvention de l'école passe donc aussi par un réexamen critique de nos outils pédagogiques ?

P. M. : L'accès à l'oeuvre, parce qu'elle exige de différer l'instrumentalisation de la connaissance et d'entrer dans une aventure intellectuelle, se heurte à notre frénésie de savoir immédiat. Car les enfants de la modernité veulent savoir. Ils veulent même tout savoir.

Mais ils ne veulent pas vraiment apprendre. Ils sont nés dans un monde où le progrès technique est censé nous permettre de savoir sans apprendre : aujourd'hui, pour faire une photographie nette, nul n'a besoin de calculer le rapport entre la profondeur de champ et le diaphragme, puisque l'appareil le fait tout seul...

Ainsi, le système scolaire s'adresse-t-il à des élèves qui désirent savoir, mais ne veulent plus vraiment apprendre. Des élèves qui ne se doutent pas le moins de monde qu'apprendre peut être occasion de jouissance.

Des élèves rivés sur l'efficacité immédiate de savoirs instrumentaux acquis au moindre coût, et qui n'ont jamais rencontré les satisfactions fabuleuses d'une recherche exigeante. C'est pourquoi l'obsession de compétences nous fait fairefausse route. Elle relève du "productivisme scolaire", réduit la transmission à une transaction et oublie que tout apprentissage est une histoire...

En réalité, la culture française a toujours été rétive aux théories de l'apprentissage, pour leur préférer les théories de la connaissance : "l'exposé des savoirs en vérité" apparaît ainsi comme la seule méthode d'enseignement, qu'elle prenne la forme de l'encyclopédisme classique ou des référentiels de compétences béhavioristes.

Dans cette perspective, le savoir programmatique est à lui-même sa propre pédagogie, et toute médiation, tout travail sur le désir, relèvent d'un pédagogisme méprisable. Je regrette profondément l'ignorance de l'histoire de la pédagogie dans la culture française : elle nous aiderait à débusquer nos contradictions et nos insuffisances, et à réinventer l'école.

M. G. : Que savons-nous de ce que veut dire "apprendre" ? Presque rien, en réalité : nous passons sans transition du rat de laboratoire et de la psychologie cognitive aux compétences qui intéressent les entreprises. Mais l'essentiel se trouve entre les deux, c'est-à-dire l'acte d'apprendre, distinct de connaître, auquel nous ne cessons, à tort, de le ramener. Apprendre, à la base, pour l'enfant, c'est d'abordentrer dans l'univers des signes graphiques par la lecture et l'écriture, et accéderpar ce moyen aux ressources du langage que fait apparaître son objectivation écrite.

Une opération infiniment difficile avec laquelle nous n'en avons jamais fini, en fait. Car lire, ce n'est pas seulement déchiffrer, c'est aussi comprendre. Cela met en jeu une série d'opérations complexes d'analyse, de contextualisation, de reconstitution sur lesquelles nous ne savons presque rien. Comment parvient-on à s'approprier le sens d'un texte ?

On constate empiriquement que certains y parviennent sans effort, alors que d'autres restent en panne, de manière inexplicable. Sur tous ces sujets, nous sommes démunis : nous nous raccrochons à un mélange de routines plus ou moins obsolètes et d'inventions pédagogiques plus ou moins aveugles.

P. M. : De même qu'aucun métier ne se réduit à la somme des compétences nécessaires pour l'exercer, aucun savoir ne se réduit à la somme des compétences nécessaires pour le maîtriser. Les compétences graphiques, scripturales, orthographiques, grammaticales suffisent-elles pour entrer dans une culture lettrée ? Je n'en crois rien, car entrer dans l'écrit, c'est être capable detransformer les contraintes de la langue en ressources pour la pensée.

Ce jeu entre contraintes et ressources relève d'un travail pédagogique irréductible à l'accumulation de savoir-faire et à la pratique d'exercices mécaniques. Il renvoie à la capacité à inventer des situations génératrices de sens, qui articulent étroitement découverte et formalisation. Or, nous nous éloignons aujourd'hui à grands pas de cela avec des livrets de compétences qui juxtaposent des compétences aussi différentes que "savoir faire preuve de créativité" et "savoirattacher une pièce jointe à un courriel".

Que peut bien signifier alors "l'élève a 60 % des compétences requises" ? La notion de compétence renvoie tantôt à des savoirs techniques reproductibles, tantôt à des capacités invérifiables dont personne ne cherche à savoir comment elles se forment. Ces référentiels atomisent la notion même de culture et font perdre de vue la formation à la capacité de penser.

A l'heure où nous passons des connaissances aux compétences, quels sont les leviers politiques qui permettraient de réinventer l'école ?

M. G. : L'école est à réinventer, mais elle ne pourra pas le faire seule dans son coin. Ce n'est pas un domaine de spécialité comme un autre qu'il suffirait de confieraux experts pour qu'ils trouvent les solutions. Le problème éducatif ne pourra êtrerésolu dans ces conditions. C'est une affaire qui concerne au plus haut point la vie publique, qui engage l'avenir de nos sociétés et ne peut être traitée que comme une responsabilité collective qui nous concerne tous, et pas seulement les parents d'élèves.

L'une des évolutions actuelles les plus inquiétantes réside dans l'installation au poste de commandement d'une vision purement économique du problème, élaborée et développée à l'échelle internationale.

Ce que résume l'écho donné aux résultats des enquêtes du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), pilotées par l'OCDE. Le ministère de l'éducation nationale ne fait plus que répercuter des conceptions très discutables du type de performances auxquelles doivent tendre les systèmes éducatifs.

Très discutables, je le précise, y compris du point de vue de l'emploi et de l'efficacité économique. Qui peut prendre au sérieux le livret de compétences introduit au collège dans le but de mieux évaluer les acquis des élèves ?

Dans le travail comme dans le reste de l'existence, c'est avec de la pensée que l'on peut progresser, à tous les niveaux. La fonction de l'école, c'est tout simplement d'apprendre à penser, d'introduire à ce bonheur qu'est la maîtrise par l'esprit des choses que l'on fait, quelles qu'elles soient. C'est, de très loin, la démarche la plus efficace. L'illusion du moment est de croire qu'on obtiendra de meilleurs résultats pratiques en abandonnant cette dimension humaniste.

P. M. : Je suis entièrement d'accord avec Marcel Gauchet sur l'importance d'une mobilisation politique sur la question de l'éducation, qui dépasse d'ailleurs celle de l'école. Les programmes éducatifs des deux principaux partis politiques français ne proposent rien de plus que de nouvelles réformes scolaires : il n'y est nullement question de la famille, du rôle des médias, de la présence des adultes dans la ville, des relations transgénérationnelles...

Marcel Gauchet et Philippe Meirieu, alors que vous appartenez à des mouvances différentes, vous avez cherché à dépasser l'opposition entre "pédagogues" et "républicains", cette vieille querelle qui divisait les soi-disant partisans des savoirs de la transmission et ceux qui prônaient l'exclusive transmission des savoirs. Est-ce le signe de la fin d'un clivage tenace mais sclérosant ?

M. G. : L'opposition entre pédagogues et républicains me semble derrière nous. Je m'en félicite, car j'ai toujours travaillé à la dépasser. La divergence très relative entre Philippe Meirieu et moi-même tient simplement à la différence de point de départ. Philippe Meirieu part de la pédagogie, là où je pars d'une préoccupation plus politique.

Il est certes important de connaître le patrimoine pédagogique, mais je suis peut-être plus sensible que Philippe Meirieu au caractère inédit de la situation. Aucun discours hérité ne me semble immédiatement à la hauteur de la réalité scolaire dont nous faisons aujourd'hui l'expérience.

P. M. : A l'heure actuelle, l'essentiel est d'inventer une école qui soit délibérément un espace de décélération, un lieu d'apprentissage de la pensée et d'expérience d'un travail collectif solidaire. Or, sur ces questions, le patrimoine pédagogique m'apparaît d'une extrême richesse. Le clivage politique, quant à lui, se situe entre ceux qui chargent l'école de transmettre une somme de savoirs techniques garantissant à terme l'employabilité du sujet, et ceux pour qui l'école a une vocation culturelle qui dépasse la somme des compétences techniques qu'elle permet d'acquérir.

C'est là une question de société qui appelle un véritable débat démocratique.


Monday 12 January 2009

lisibilité des écoles.

Nos écoles font un travail remarquable, mais elles ont une réelle difficulté avec leur réputation internationale en raison de leur taille. En outre on a l’impression qu’elles font moins de recherche que les institutions universitaires, ce qui n’est pas toujours vrai. Mais surtout, il y a un véritable problème de marque.


Pouvoirs économique & intellectuel
Entretien avec Bertrand Collomb, président du comité stratégique de Pari Tech



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Le nouvel Economiste - n°1356 - Du 7 au 13 septembre 2006

http://www.nouveleconomiste.fr/1356/1356-ent-collomb.html





Sunday 4 January 2009

Bologne c'est qui?

Qui participe au Processus ? 

Depuis la Conférence ministérielle de Berlin, 40 pays ont rejoint le processus de Bologne. Ce sont :

  • - depuis l999 : Autriche, Belgique, Bulgarie, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, République Slovaque, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Royaume-Uni ;
  • - depuis 2001 : Croatie, Liechtenstein, Turquie ;
  • - depuis 2003 : Albanie, Principauté d’Andorre, Bosnie-Herzégovine, Saint Siège, Russie, Serbie, « ex-République yougoslave de Macédoine » ;
  • - depuis 2005 : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldova et l’Ukraine.
  • - depuis mai 2007 : Monténégro

En plus de ces pays (tous membres du groupe de suivi de Bologne – BFUG), plusieurs organisations internationales y participent également : 

du social mamie.

La dimension sociale du Processus de Bologne

La nécessité de tenir compte de la dimension sociale du processus de Bologne a été soulignée pour la première fois par l’ESIB dans sa Déclaration des étudiants à Göteborg, puis incluse dans le Communiqué de Prague qui défend l’idée que l’enseignement supérieur est un bien public relevant de la responsabilité publique :

‘’…Se référant à la Déclaration de Bologne, les ministres ont affirmé que la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur constitue une condition pour une attractivité et une compétitivité plus forte des établissements d’enseignement supérieur. Ils ont apporté leur soutien à l’idée que l’enseignement supérieur doit être tenu pour un bien public, relevant et continuant à relever de la responsabilité publique (réglementation, etc.), et que les étudiants sont des acteurs à part entière de la communauté universitaire…’’

et souligne l’importance de la participation des étudiants :

‘’…Les ministres ont tenu à affirmer que les étudiants devaient activement participer et contribuer tant à la vie des universités et des établissements d'enseignement supérieur qu’à l’élaboration de l’enseignement. Ils ont aussi réaffirmé le besoin, souligné par les étudiants, de prendre en compte la dimension sociale du processus de Bologne…’’

En février 2003, le gouvernement grec a organisé un séminaire de Bologne sur ce thème (voirrapport et conclusions) suivi par la 5e Convention des étudiants européens de l’ESIB sur « Comment parvenir à une réelle mobilité des étudiants ? ». Ces deux manifestations, parmi d’autres, ont utilisé le rapport Euro Student 2000 du Conseil européen des affaires étudiantes(ECStA)

Les ministres ayant participé à la Conférence de Berlin ont ensuite réaffirmé plus vigoureusement leur volonté de développer la dimension sociale du processus de Bologne en déclarant :

‘’…Les Ministres réaffirment l’importance de la dimension sociale du Processus de Bologne. Le besoin d’accroître la compétitivité doit être contrebalancé par l’objectif qui vise à améliorer les caractéristiques sociales de l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur, en vue du renforcement de la cohésion sociale et de la réduction des inégalités sociales et des inégalités entre les sexes à l’échelle nationale et européenne. Dans ce contexte, les Ministres réaffirment leur position selon laquelle l’enseignement supérieur est un bien public et relève de la responsabilité publique. Ils insistent sur le fait que, dans le domaine de la coopération et des échanges académiques internationaux, les valeurs académiques devraient prévaloir…’’

Il convient de souligner que le Conseil de l’Europe a également largement contribué à ce débat, d’abord par son programme sur l’Accès à l’enseignement supérieur, puis par son projet sur l’Education tout au long de la vie, facteur d’équité et de cohésion sociale.

Vous pouvez également consulter le Manuel de l’étudiant sur l’égalité de l’ESIB ou les sections du site Internet sur des questions connexes telles que : mobilité, commerce dans l’éducation et GATS, éducation tout au long de la vie.


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http://www.coe.int/t/dg4/highereducation/EHEA2010/TopicsSocialDim_FR.asp

declaration de Prague.

TOWARDS THE EUROPEAN HIGHER EDUCATION AREA

Communiqué of the meeting of European Ministers in charge of Higher Education in Prague on May 19th 2001


Two years after signing the Bologna Declaration and three years after the Sorbonne Declaration, European Ministers in charge of higher education, representing 32 signatories, met in Prague in order to review the progress achieved and to set directions and priorities for the coming years of the process. Ministers reaffirmed their commitment to the objective of establishing the European Higher Education Area by 2010. The choice of Prague to hold this meeting is a symbol of their will to involve the whole of Europe in the process in the light of enlargement of the European Union.

Ministers welcomed and reviewed the report "Furthering the Bologna Process" commissioned by the follow-up group and found that the goals laid down in the Bologna Declaration have been widely accepted and used as a base for the development of higher education by most signatories as well as by universities and other higher education institutions. Ministers reaffirmed that efforts to promote mobility must be continued to enable students, teachers, researchers and administrative staff to benefit from the richness of the European Higher Education Area including its democratic values, diversity of cultures and languages and the diversity of the higher education systems.

Ministers took note of the Convention of European higher education institutions held in Salamanca on 29-30 March and the recommendations of the Convention of European Students, held in Göteborg on 24-25 March, and appreciated the active involvement of the European University Association (EUA) and the National Unions of Students in Europe (ESIB) in the Bologna process. They further noted and appreciated the many other initiatives to take the process further. Ministers also took note of the constructive assistance of the European Commission.
Ministers observed that the activities recommended in the Declaration concerning degree structure have been intensely and widely dealt with in most countries. They especially appreciated how the work on quality assurance is moving forward. Ministers recognized the need to cooperate to address the challenges brought about by transnational education. They also recognized the need for a lifelong learning perspective on education.


FURTHER ACTIONS FOLLOWING THE SIX OBJECTIVES OF THE BOLOGNA PROCESS

As the Bologna Declaration sets out, Ministers asserted that building the European Higher Education Area is a condition for enhancing the attractiveness and competitiveness of higher education institutions in Europe. They supported the idea that higher education should be considered a public good and is and will remain a public responsibility (regulations etc.), and that students are full members of the higher education community. From this point of view Ministers commented on the further process as follows:
Adoption of a system of easily readable and comparable degrees Ministers strongly encouraged universities and other higher education institutions to take full advantage of existing national legislation and European tools aimed at facilitating academic and professional recognition of course units, degrees and other awards, so that citizens can effectively use their qualifications, competencies and skills throughout the European Higher Education Area. Ministers called upon existing organisations and networks such as NARIC and ENIC to promote, at institutional, national and European level, simple, efficient and fair recognition reflecting the underlying diversity of qualifications.

Adoption of a system essentially based on two main cycles Ministers noted with satisfaction that the objective of a degree structure based on two main
cycles, articulating higher education in undergraduate and graduate studies, has been tackled and discussed. Some countries have already adopted this structure and several others are considering it with great interest. It is important to note that in many countries bachelor's and master's degrees, or comparable two cycle degrees, can be obtained at universities as well as at other higher education institutions. Programmes leading to a degree may, and indeed should, have different orientations and various profiles in order to accommodate a diversity of individual, academic and labour market needs as concluded at the Helsinki seminar on bachelor level degrees (February 2001).
Establishment of a system of credits Ministers emphasized that for greater flexibility in learning and qualification processes the adoption of common cornerstones of qualifications, supported by a credit system such as the ECTS or one that is ECTS-compatible, providing both transferability and accumulation functions, is necessary. Together with mutually recognized quality assurance systems such arrangements will facilitate students' access to the European labour market and enhance the compatibility, attractiveness and competitiveness of European higher education. The generalized use of such a credit system and of the Diploma Supplement will foster progress in this direction.

Promotion of mobility Ministers reaffirmed that the objective of improving the mobility of students, teachers, researchers and administrative staff as set out in the Bologna Declaration is of the utmost importance. Therefore, they confirmed their commitment to pursue the removal of all obstacles to the free movement of students, teachers, researchers and administrative staff and emphasized the social dimension of mobility. They took note of the possibilities for mobility offered by the European Community programmes and the progress achieved in this field, e.g. in launching the Mobility Action Plan endorsed by the European Council in Nice in 2000.
Promotion of European cooperation in quality assurance Ministers recognized the vital role that quality assurance systems play in ensuring high quality standards and in facilitating the comparability of qualifications throughout Europe. They also encouraged closer cooperation between recognition and quality assurance networks. They emphasized the necessity of close European cooperation and mutual trust in and acceptance of national quality assurance systems. Further they encouraged universities and other higher education institutions to disseminate examples of best practice and to design scenarios for mutual acceptance of evaluation and accreditation/certification mechanisms. Ministers called upon the universities and other higher educations institutions, national agencies and the European Network of Quality Assurance in Higher Education (ENQA), in cooperation with corresponding bodies from countries which are not members of ENQA, to collaborate in establishing a common framework of reference and to disseminate best practice.
Promotion of the European dimensions in higher education In order to further strengthen the important European dimensions of higher education and graduate employability Ministers called upon the higher education sector to increase the development of modules, courses and curricula at all levels with "European" content, orientation or organisation. This concerns particularly modules, courses and degree curricula offered in partnership by institutions from different countries and leading to a recognized joint degree.


FURTHERMORE MINISTERS EMPHASIZED THE FOLLOWING POINTS:

Lifelong learning Lifelong learning is an essential element of the European Higher Education Area. 
In the future Europe, built upon a knowledge-based society and economy, lifelong learning strategies are necessary to face the challenges of competitiveness and the use of new technologies and to improve social cohesion, equal opportunities and the quality of life.

Higher education institutions and students Ministers stressed that the involvement of universities and other higher education institutions and of students as competent, active and constructive partners in the establishment andshaping of a European Higher Education Area is needed and welcomed. The institutions have demonstrated the importance they attach to the creation of a compatible and efficient, yet diversified and adaptable European Higher Education Area. Ministers also pointed out that quality is the basic underlying condition for trust, relevance, mobility, compatibility and attractiveness in the European Higher Education Area. Ministers expressed their appreciation of the contributions toward developing study programmes combining academic quality with relevance to lasting employability and called for a continued proactive role of higher education institutions. Ministers affirmed that students should participate in and influence the organisation and content of education at universities and other higher education institutions. Ministers also reaffirmed the need, recalled by students, to take account of the social dimension in the Bologna process.

Promoting the attractiveness of the European Higher Education Area Ministers agreed on the importance of enhancing attractiveness of European higher education to students from Europe and other parts of the world. The readability and comparability of European higher education degrees world-wide should be enhanced by the development of a common framework of qualifications, as well as by coherent quality assurance and accreditation/certification mechanisms and by increased information efforts. Ministers particularly stressed that the quality of higher education and research is and should be an important determinant of Europe's international attractiveness and competitiveness. Ministers agreed that more attention should be paid to the benefit of a European Higher Education Area with institutions and programmes with different profiles. They called for increased collaboration between the European countries concerning the possible implications and perspectives of transnational education.


CONTINUED FOLLOW-UP

Ministers committed themselves to continue their cooperation based on the objectives set out in the Bologna Declaration, building on the similarities and benefiting from the differences between cultures, languages and national systems, and drawing on all possibilities of intergovernmental cooperation and the ongoing dialogue with European universities and other higher education institutions and student organisations as well as the Community programmes.
Ministers welcomed new members to join the Bologna process after applications from Ministers representing countries for which the European Community programmes Socrates and Leonardo da Vinci or Tempus-Cards are open. They accepted applications from Croatia, Cyprus and Turkey.

Ministers decided that a new follow-up meeting will take place in the second half of 2003 in Berlin to review progress and set directions and priorities for the next stages of the process towards the European Higher Education Area. They confirmed the need for a structure for the follow-up work, consisting of a follow-up group and a preparatory group. The follow-up group should be composed of representatives of all signatories, new participants and the European Commission, and should be chaired by the EU Presidency at the time. The preparatory group should be composed of representatives of the countries hosting the previous ministerial meetings and the next ministerial meeting, two EU member states and two non-EU member states; these latter four representatives will be elected by the follow-up group. The EU Presidency at the time and the European Commission will also be part of the preparatory group. The preparatory group will be chaired by the representative of the country hosting the next ministerial meeting.

The European University Association, the European Association of Institutions in Higher Education (EURASHE), the National Unions of Students in Europe and the Council of Europe should be consulted in the follow-up work. In order to take the process further, Ministers encouraged the follow-up group to arrange seminars to explore the following areas: cooperation concerning accreditation and quality assurance, recognition issues and the use of credits in the Bologna process, the development of joint degrees, the social dimension, with specific attention to obstacles to mobility, and the enlargement of the Bologna process, lifelong learning and student involvement.

declaration de bologne

Déclaration commune des ministres européens de l'éducation - 19 juin 1999 - Bologne 


29 pays signataires : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l'Estonie, l 'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Islande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse.



La construction européenne, grâce aux réalisations extraordinaires de ces dernières années, devient une réalité de plus en plus concrète et pertinente pour l’Union et ses citoyens. Les perspectives d’élargissement, ainsi que les liens de plus en plus étroits qui se tissent avec d’autres pays européens, enrichissent encore cette réalité de dimensions nouvelles. En même temps, nous assistons à une prise de conscience grandissante, dans l’opinion publique comme dans les milieux politiques et universitaires, de la nécessité de construire une Europe plus complète et plus ambitieuse, s’appuyant notamment sur le renforcement de ses dimensions intellectuelles, culturelles, sociales, scientifiques et technologiques.

Il est aujourd’hui largement reconnu qu’une Europe des Connaissances est un facteur irremplaçable du développement social et humain, qu’elle est indispensable pour consolider et enrichir la citoyenneté européenne, pour donner aux citoyens les compétences nécessaires pour répondre aux défis du nouveau millénaire, et pour renforcer le sens des valeurs partagées et de leur appartenance à un espace social et culturel commun.

L’importance primordiale de l’éducation et de la coopération dans l’enseignement pour développer et renforcer la stabilité, la paix et la démocratie des sociétés est universellement reconnue, et d’autant plus aujourd’hui au vu de la situation en Europe du sud-est.

La Déclaration de la Sorbonne du 25 mai 1998, qui s’inspirait de ces mêmes considérations, mettait en exergue le rôle clé des universités dans le développement des dimensions culturelles européennes. Elle insistait sur la nécessité de créer un espace européen de l’enseignement supérieur, comme moyen privilégié pour encourager la mobilité des citoyens, favoriser leur intégration sur le marché du travail européen et promouvoir le développement global de notre continent.

Plusieurs pays européens ont accepté l’invitation qui leur a été faite de s’engager à réaliser les objectifs énoncés dans la déclaration, en la signant ou en exprimant leur accord de principe. Les orientations de plusieurs réformes de l’enseignement supérieur entreprises depuis lors en Europe témoignent de la volonté d’agir de nombreux gouvernements.

Les établissements d’enseignement supérieur en Europe ont, pour leur part, relevé le défi en jouant un rôle clé dans la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur, suivant aussi les principes fondamentaux énoncés en 1988 dans la Magna Charta Universitatum. Ce point est d’une importance capitale, puisque l’indépendance et l’autonomie des universités sont garantes des capacités des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche de s’adapter en permanence à l’évolution des besoins, aux attentes de la société et aux progrès des connaissances scientifiques.

Les orientations ont été définies dans la bonne direction avec des objectifs significatifs. La réalisation d’une plus grande compatibilité et comparabilité entre les différents systèmes d’enseignement supérieur exige néanmoins une dynamique soutenue pour être pleinement accomplie. Nous devons soutenir cette dynamique à travers la promotion de mesures concrètes permettant d’accomplir des progrès tangibles. La réunion du 18 juin a rassemblé des experts et des universitaires de tous nos pays, et nous a apporté des idées très utiles sur les initiatives à prendre.

Nous devons en particulier rechercher une meilleure compétitivité du système européen d’enseignement supérieur. Partout, la vitalité et l’efficacité des civilisations se mesurent à l’aune de leur rayonnement culturel vers les autres pays. Nous devons faire en sorte que le système européen d’enseignement supérieur exerce dans le monde entier un attrait à la hauteur de ses extraordinaires traditions culturelles et scientifiques.


En affirmant notre adhésion aux principes généraux de la Déclaration de la Sorbonne, nous nous engageons à coordonner nos politiques pour atteindre, à court terme et en tout cas avant la fin de la première décennie du nouveau millénaire, les objectifs suivants, qui sont pour nous d’intérêt primordial pour la création de l’espace européen de l’enseignement supérieur et la promotion de ce système européen à l’échelon mondial :

- Adoption d’un système de diplômes facilement lisibles et comparables, entre autres par le biais du " Supplément au diplôme ", afin de favoriser l’intégration des citoyens européens sur le marché du travail et d’améliorer la compétitivité du système d’enseignement supérieur européen à l’échelon mondial ;

- Adoption d’un système qui se fonde essentiellement sur deux cursus, avant et après la licence. L’accès au deuxième cursus nécessitera d’avoir achevé le premier cursus, d’une durée minimale de trois ans. Les diplômes délivrés au terme du premier cursus correspondront à un niveau de qualification approprié pour l’insertion sur le marché du travail européen. Le second cursus devrait conduire au mastaire et / ou au doctorat comme dans beaucoup de pays européens.

- Mise en place d’un système de crédits – comme celui du système ECTS – comme moyen approprié pour promouvoir la mobilité des étudiants le plus largement possible. Les crédits pourraient également être acquis en dehors du système de l’enseignement supérieur, y compris par l’éducation tout au long de la vie, dans la mesure où ceux-ci sont reconnus par les établissements d’enseignement supérieur concernés.

- Promotion de la mobilité en surmontant les obstacles à la libre circulation, en portant une attention particulière à :
. pour les étudiants, l’accès aux études, aux possibilités de formation et aux services qui leur sont liés,
. pour les enseignants, les chercheurs et les personnels administratifs, la reconnaissance et la valorisation des périodes de recherche, d’enseignement et de formation dans un contexte européen, sans préjudice pour leurs droits statutaires.

- Promotion de la coopération européenne en matière d’évaluation de la qualité, dans la perspective de l’élaboration de critères et de méthodologies comparables.

- Promotion de la nécessaire dimension européenne dans l’enseignement supérieur, notamment en ce qui concerne l’élaboration de programmes d’études, la coopération entre établissements, les programmes de mobilité et les programmes intégrés d’étude, de formation et de recherche.


Par cette déclaration, nous nous engageons à réaliser ces objectifs - dans le cadre de nos compétences institutionnelles et en respectant pleinement la diversité des cultures, des langues, des systèmes éducatifs nationaux et l’autonomie des universités – afin de consolider l’espace européen de l’enseignement supérieur. A cette fin, nous poursuivrons dans la voie de la coopération inter gouvernementale, ainsi que dans celle des organisations non gouvernementales européennes compétentes dans le domaine de l’enseignement supérieur. Nous comptons à nouveau sur la réponse prompte et positive des établissements d’enseignement supérieur et sur leur contribution active au succès de nos efforts.

Convaincus que la création réussie d’un espace européen de l’enseignement supérieur nécessite des efforts permanents de soutien, de suivi et d’adaptation pour répondre à des besoins en évolution constante, nous avons décidé de nous réunir à nouveau d’ici deux ans afin d’évaluer les progrès accomplis et les nouvelles mesures à mettre en place.
 
  
 

© Ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie  - Archives 1997 - 1999 . 12-10-99.

Declaration de la Sorbonne.

Harmoniser l’architecture du système européen d’enseignement supérieur.

A l’occasion du 800ème anniversaire de l’Université de Paris, déclaration conjointe des quatre ministres en charge de l’enseignement supérieur en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni.

Paris, en Sorbonne, le 25 mai 1998

La construction européenne a tout récemment effectué des progrès très importants. Mais si pertinents que soient ces progrès, ils ne doivent pas nous faire oublier que l’Europe que nous bâtissons n’est pas seulement celle de l’Euro, des banques et de l’économie ; elle doit être aussi une Europe du savoir. Nous devons renforcer et utiliser dans notre construction les dimensions intellectuelles, culturelles, sociales et techniques de notre continent. Elles ont été, dans une large mesure, modelées par ses universités, qui continuent à jouer un rôle central dans leur développement. Les universités sont nées en Europe, pour certaines depuis environ trois quarts de millénaire. Nos quatre pays sont fiers de posséder quelques unes des plus anciennes, qui célèbrent en ce moment d’importants anniversaires, comme le fait aujourd’hui l’université de Paris. Autrefois, étudiants et professeurs circulaient librement et disséminaient rapidement leur savoir à travers le continent. Aujourd’hui, il existe encore un trop grand nombre de nos étudiants qui obtiennent leurs diplômes sans avoir bénéficié d’une période d’études en dehors des frontières nationales. Nous abordons une période de changements majeurs dans l’éducation, dans les conditions de travail, une période de diversification du déroulement des carrières professionnelles ; l’éducation et la formation tout au long de la vie deviennent une évidente obligation. Nous devons à nos étudiants et à notre société dans son ensemble un système d’enseignement supérieur qui leur offre les meilleures chances de trouver leur propre domaine d’excellence.

Un espace européen ouvert de l’enseignement supérieur offre d’abondantes perspectives positives, tout en respectant, bien sûr, nos diversités, mais exige par ailleurs des efforts vigoureux pour abolir les barrières et développer un cadre d’enseignement, afin de promouvoir la mobilité et une coopération toujours plus étroite.

La reconnaissance internationale et le potentiel attractif de nos systèmes sont directement liés à leur lisibilité en interne et à l’extérieur. Un système semble émerger, dans lequel deux cycles principaux - pré-licence et post-licence - devraient être reconnus pour faciliter comparaisons et équivalences au niveau international. Une grand part de l’originalité et de la souplesse d’un tel système passeront, dans une large mesure, par l’utilisation de « crédits » (comme dans le schéma ECTS) et de semestres. Cela permettra la validation des crédits acquis par ceux qui choisiraient de conduire leur éducation, initiale ou continue, dans différentes universités européennes et souhaiteraient acquérir leurs diplômes à leur rythme, tout au long de leur vie. En fait, les étudiants devraient pouvoir avoir accès au monde universitaire à n’importe quel moment de leur vie professionnelle, en venant des milieux les plus divers. Dans le cycle conduisant à la licence, les étudiants devraient se voir offrir des programmes suffisamment diversifiés, comprenant notamment la possibilité de suivre des études pluridisciplinaires, d’acquérir une compétence en langues vivantes et d’utiliser les nouvelles technologies de l’information.

La reconnaissance internationale du diplôme couronnant le cycle pré-licence comme niveau pertinent de qualification est importante pour le succès de ce projet, par lequel nous souhaitons rendre transparents nos systèmes d’enseignement supérieur. Dans le cycle postérieur à la licence, il y aurait le choix entre un diplôme plus court de « master » et un doctorat plus long, en ménageant les passerelles entre l’un et l’autre. Dans les deux diplômes, on mettrait l’accent, comme il convient, sur la recherche et le travail individuel.

Aux deux niveaux - pré-licence et post-licence - les étudiants seraient encouragés à passer un semestre au moins dans des universités étrangères. En même temps, un plus grand nombre d’enseignants et de chercheurs devraient travailler dans des pays européens autres que le leur. Le soutien croissant de l’Union européenne à la mobilité des étudiants et des professeurs devrait être pleinement utilisé. La plupart des pays, et pas seulement à l’intérieur de l’Europe, ont désormais pleinement conscience du besoin de promouvoir cette évolution. Les Conférences de recteurs européens, des présidents d’universités, des groupes d’experts et d’universitaires, dans nos pays respectifs, se sont engagées dans une vaste réflexion en ce sens.

Une convention sur la reconnaissance des qualifications universitaires en Europe a été signée l’an dernier à Lisbonne. Cette convention établit un certain nombre de conditions de base, tout en reconnaissant que les pays, de leur côté, pouvaient s’engager dans des projets encore plus constructifs. Partant de ces conclusions, nous pouvons les utiliser pour aller plus loin. Il existe déjà beaucoup de points communs pour cette reconnaissance mutuelle des diplômes d’enseignement supérieur à des fins professionnelles, à travers les directives de l’Union européenne.

Nos gouvernements, cependant, continuent à avoir un rôle significatif à jouer en ce sens, en encourageant tous les moyens de valider les connaissances acquises et de mieux reconnaître nos diplômes respectifs. Nous comptons promouvoir ainsi des accords interuniversitaires allant dans ce sens. L’harmonisation progressive des structures d’ensemble de nos diplômes et de nos cycles d’études sera rendue possible par un renforcement de l’expérience existante, par des diplômes conjoints, des projets-pilotes et par un dialogue avec toutes les parties concernées.

Nous nous engageons ici à encourager l’émergence d’un cadre commun de référence, visant à améliorer la lisibilité des diplômes, à faciliter la mobilité des étudiants ainsi que leur employabilité. L’anniversaire de l’université de Paris, qui se déroule aujourd’hui en Sorbonne, nous offre l’occasion solennelle de nous engager dans cet effort de création d’un espace européen de l’enseignement supérieur, où puissent entrer en interaction nos identités nationales et nos intérêts communs, où nous nous renforcions les uns les autres pour le profit de l’Europe, de ses étudiants, et plus généralement de ses citoyens. Nous lançons un appel aux autres États-membres de l’Union, aux autres pays de l’Europe pour nous rejoindre dans cet objectif, à toutes les universités européennes pour consolider la place de l’Europe dans le monde en améliorant et en remettant sans cesse à jour l’éducation offerte à ses citoyens.

Claude Allègre, Ministre de l'Éducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie (France)

Luigi Berlinguer Ministre de l'Instruction Publique de l'Université et de la Recherche (Italie)

Tessa Blackstone Ministre de l'Enseignement Supérieur (Royaume Uni)

Jürgen Ruettgers Ministre de l'Éducation, des Sciences, de la Recherche et de la Technologie (Allemagne)