Monday, 7 January 2008

Parodoxe de Bologne.

" En général les échanges (...) entre les professeurs s’opèrent à l’échelle individuelle " (1)
Ca alors... Moi qui croyais que ces échanges d'opinions, et par la même de culture, venaient des hautes instances dirigeantes. Vous savez, celles qui décident, qui votent des lois, des processus, à Bologne ou ailleurs. Des processus d'harmonisation qui nous garantissent une libre circulation des étudiants, des professeurs, et des diplomés, à travers l'Europe entière. Car c'est grâce à ces dits processus que l'Europe s'engage dans le partage des cultures.
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Les système d'échanges, Socrates ou Erasmus, et a fortiori de changements d'une université à l'autre étaient avant cela bien compliqués. J'en veux pour preuve un de mes amis étudiant architecte en quatrieme année dans son pays qui s'est vu refuser toute équivalence au moment de son inscription dans mon école. Il a dû refaire tout le cursus. Mais loin de moi l'idée de blâmer les intances décisionnaires, car le fait d'étudier pendant plus de cinq ans pour apprendre notre métier me paraît tout à fait louable!
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Bologne nous engage donc dans une voie très interessante. Et l'interêt ne se situe pas tant dans l'objet "harmonisation" que dans les pertubations créées par voie de fait dans nos universités. Des pertubations qui sont signes de changement, signes d'adaptation. Signes de vie en quelque sorte. Je citerai ici un prof d'archi rencontré à Zagreb :
" We are suddenly in a new situation, we have to react on it, and I find it interesting in this way. Every thing I do, being teaching, being in the Bologna process, I think that's the same situation that when you design something, you have to connect facts, to change their relationships, and finally to find your solution. We are all in that situation, trying to find new solutions. That's good for every teacher. I found a lot of interesting things in that kind of networkorking with other professors, to find people who think similar, with whom you can devellop some kind of dialog." (2)
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Bologne ouvre donc les portes à un grand chamboule-tout au sein de nos universités. Un changement qui nous touche principalement, nous les architectes, par la suppression du DPLG, héritage séculier provenant des beaux arts. Ironie de l'histoire, les compagnons du tour de France seront bientôt les seuls à pouvoir réaliser un "grand oeuvre" digne d'une fin d'apprentissage.
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Mais la mort programmée du DPLG ne constitue que la partie visible d'un iceberg s'enfonçant dans des eaux bien plus troubles. Et par là même bien plus captivantes. Car là où le processus de Bologne nous retire un diplome très largement plébiscité, il nous met aussi dans une situation jusqu'alors inédite : le quasi-devoir de connections entre écoles. Entre Professeurs, entre étudiants, entre administrations. Et par conséquence entre professionels. Un devoir qui s'apparente à un droit pour la pluspart de nos pairs, mais un devoir qui en dit long sur l'ambition affichée pour nos cycles d'études: que ceux-ci soient de plus en plus ouverts au dialogue, ouverts au changement. En un mot, qu'ils soient de plus plus en plus en phase avec notre monde globalisant. Un monde qui tend au métissage. Un monde où l'architecte et l'ingénieur s'unissent plutôt que de s'affronter. Un monde ou le maçon n'ira plus crier par monts et par veaux que l'architecte est un bon à rien, mais au contraire où l'architecte travaillera de concert avec les artisans. Tel un chef d'orchestre, tirant profit de leur savoir-faire plûtot que de passer son temps à débusquer leurs erreurs. Bref, un monde où l'autre, quelque soit sa profession, sera source de dialogue et non de conflit, quand ce n'est pas du mépris.
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Bel idéal me direz vous. Bel idéal ça c'est sur, mais un peu démago avec son lyrisme aux accents Prudhommesques (3). Car s'il est vrai que la plus part des professeurs et des étudiants nourissent l'envie de partage et de coordination, le fait est que bien peu sont prêts à s'y investir. C'est que l'échange se fait quend on a des choses à échanger, ou plutôt quand on pense que l'autre a de quoi équilibrer la balance. On ne peut évidemment pas forcer l'échange, on ne peut que le faciliter. Et Bologne n'est rien de plus qu'un moyen de faciliter les dits échanges. En effet, comme notre ami roumain nous le disait, les échanges sont le fait de personnes, et non de règlements. D'initiatives personnelles pour être plus precis. (4)
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C'est justement là que réside le point le plus important à mes yeux de ce processus de Bologne. Car il met en avant une stratégie de coopération entre universités alors même qu'au sein d'une organisation universitaire propre ils ont du mal à se former. Je citerai ici une autre prof d'archi, rencontrée à Berlin cette fois ci :
On one hand we have quite a small school, and a few students, and we know the students quite well, personally, where they're coming from, and what they are doing, and so on, but, it's poor to say but, these twelve teachers and professors, they don't see each other so many times. We have a lot of traveling professors, one is coming on monday, and the other one is coming on thursday, and people who come on monday don't ever meet people who come on thursday. We make appoinments every month to discuss, but, then you have so many things to discuss on... And they want to make a new profile of this school, they allways talk about making a new profile of this school, but they never make this new profile, they never say how the profile is, or how the profile could be, they never have any intention... that's the point.
(...)
The work of an architect is so changing, there are so many influences that are coming in, and in this university, there are five different studies, in other faculties it's interesting also, but in our own faculty, people from the different departments have different points of view, we have a pool of knowledge, of creativity, it's unbelievable, and therefore, it's hard to say, but interdisciplinary is not really well done here, at the moment, sometimes, in small cases, it works well, or some students are interested in, but on the side of the teachers, the contact is not as we wanted it to be; and when we built our school from the inside, ten years ago, we wanted interdisciplinary to be normal, but it is not. Because, if you don't know the people, you cannot work with them. In our case, it's so strange and so sad. I know quite well the teachers from others departments, but a lot of my new colleagues have not really an interest in that. (5)
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Le paradoxe est donc bien là: nous avons pris le chemin d'une coopéaration européenne à l'échelle universitaire avant même d'engager le processus au sein de nos propres modèles. Interdisciplinarité avez-vous dit? En effet, il est grand temps.



(1) Extrait de l'interview du doyen de la chair d'urbanisme de la faculté d'architecture et d'urbanisme de Bucharest "ION MINCU"; avril 2007.
(2) Extrait de l'interview d'un professeur d'architecture de la faculté d'architecture de Zagreb; mars 2007.
(3) Référence au poème de Sully Prudhomme intitulé "Un Songe"
(4) Le mot personne est ici employé dans le sens qu'en donne Massimo Cacciari, à savoir la personne en tant que membre d'un complexe de personnes. La personne pouvant alors désigner un individu ou un groupe d'individu qui se définissent de par les relations qu'ils entretiennent entre eux.
(5) Extrait de l'interview d'une professeure d'architecture de l' Universität Der Kunst de Berlin; mai 2007.

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