Voila un mail écrit par notre cher sevillote qui n'a toujours pas internet, il y a quelques mois de cela. A approfondir...
En guise de reprise, et en cadeau de pré-navidad, vous avez gagné une référence bibliographique... que dis-je, LA référence... En fait, non. Ce n'est pas une référence, c'est un nouveau champs, un nouvel horizon pour nos rêves de gosses pédagogiquement drogués.
-Le livre: Michel AUTHIER et Pierre LEVY, Les arbres de connaissances, Paris, La Découverte, coll. Essais, 1993,
-Les liens (a completer, j'ai le livre, pas internet!): http://www.arbor-et-sens.org/arbres/gingo.html; http://francois.muller.free.fr/diversifier/les_arbres_de_connaissances.htm
-Le teasing:
Aujourd'hui, le savoir devient une question d'identité. Il se crée sous nos yeux un "espace du savoir", dont dépend, bien sûr, l'économie, mais aussi, ce qui est d'une plus grande portée, l'identité même des individus. "Or, si presque chacun porte un nom (alliance et filiation), possède, sinon des terres, au moins une adresse (inscription territoriale), est sujet d'un État et participe peu ou prou à la consommation marchande, une majorité d'individus ne disposent d'aucun moyen pour se repérer dans l'espace du savoir" (p. 93). Tel qu'il est organisé aujourd'hui par l'école et l'Université, le système de reconnaissance des savoirs a surtout pour effet de créer un partage radical entre ceux qui savent (les diplômés reconnus par l'institution) et ceux qui ne savent pas (les ignorants qui n'ont pas pu franchir les examens-barrages organisés par l'institution).
Un tel système ignore la plupart des savoirs empiriques (les savoirs de vie) élaborés et transmis par l'ensemble de l'humanité et prive beaucoup d'individus d'une véritable identité cognitive. Il faut inventer un nouveau système sur base de ces trois principes:
Chacun sait: du fait qu'il a vécu, tout être humain sait quelque chose.
On ne sait jamais: personne ne peut disposer de l'entièreté des savoirs qui circulent.
Tout le savoir est dans l'humanité: "Je ne sais pas, mais l'autre sait. Tous les autres. Chacun sait, chacun apporte au savoir sa parcelle incomparable. Si bien que seule l'hu-manité entière peut porter le savoir, tous les savoirs, tout le savoir" (p. 90).
Autrement dit, il faut inventer un nouveau système au sein duquel chacun puisse valoriser ses savoirs, en acquérir d'autres de manière autonome, échanger aussi dans des "communautés de connaissances et d'apprentissage mutuel".
Le nouveau système que proposent Lévy et Authier repose essentiellement sur trois concepts: les arbres de connaissances, les blasons et les brevets. Les brevets, auxquels correspondent des savoirs et savoir-faire (y compris les "savoirs de vie" qui ne sont généralement pas reconnus par des diplômes), sont attribués aux individus qui souhaitent les obtenir, après passation d'une épreuve définie par les spécialistes du domaine. Tous les brevets disponibles au sein d'une communauté (école, région, entreprise…; il est différentes communautés de connaissances possibles) sont représentés, au moyen d'icônes, dans un arbre de connaissance dont la structure, constamment changeante en fonction des tendances cognitives de la communauté, dépend de l'ordre chronologique dans lequel les individus obtiennent leurs brevets. "Ainsi et très grossièrement, les savoirs de base seront dans le «tronc», les savoirs très spécialisés de fin de cursus formeront les «feuilles», les «branches» réuniront les brevets presque toujours associés dans certains bla-sons, etc." (p. 102).
Dès lors qu'ils appartiennent à une communauté de savoir, les individus disposent chacun d'un «blason», sorte de représentation graphique, inscrite sur une «carte à puce», des savoirs et savoir-faire obtenus. Comme les arbres de connaissances, les blasons sont évolutifs. Si les individus dépendent de l'arbre pour la constitution de leurs blasons, l'arbre, comme structure, dépend de la composition des comportements individuels. L'ensemble est auto-organisé. "Les arbres de connaissances sont fondés sur des principes d'auto-organisation, de démocratie et de libre-échange dans le rapport au savoir. En abandonnant une conception féodale des connaissances organisées en disciplines, dominées par de grands concepts, ils déploient un espace du savoir produit par tous, coextensif à la vie des collectivités humaines, sans murs ni fossés incontournables. La diversité des compétences et des ressources cognitives de n'importe quelle communauté peut alors être rendue visible. Un espace de communication et de négociation entre tous les auteurs impliqués par les rapports au savoir est institué" (p. 119).
Sur les plans pédagogique et argumentatif, l'ouvrage de Lévy et Authier est remarquablement construit. Supposant le système réalisé en différents lieux (école, entreprise, quartiers en difficulté, régions en difficulté, tiers-monde), les auteurs, au moyen de courtes fictions (dialogues, reportages, etc.), entreprennent tout d'abord d'illustrer tous les avantages du système. Particulièrement intéressantes sont les histoires montrant comment les exclus de nos institutions d'enseignement ou les habitants du tiers-monde pourraient tirer parti des arbres de connaissances pour positiver leurs compétences. Vers la fin de l'ouvrage, après avoir décrit en détail le système proposé, les auteurs discutent quelques unes des grandes questions (ou objections) que le système suscite: "Quel rapport au savoir?, Quelle économie de la connaissance? Les arbres de connaissances sont-ils totalitaires?".
Le grand intérêt de cet ouvrage vient de ce qu'il donne une forme concrète (imaginaire et futuriste mais concrète) à tout un imaginaire théorique tournant autour des notions d'autonomie, d'auto-organisation, convivialité, identité. On sent du reste les influences de Illich, Deleuze et Guattari, M. Serres (auteur de la préface).
Opposé au système scolaire que nous connaissons, le système des arbres de connaissances offre une base des plus stimulantes pour la réflexion sur les modes de communication des savoirs et toutes leurs dimensions: politique, économique, sociale, psychologique…
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