Sunday, 21 December 2008

Le monde, Samedi 21 decembre 2008

"Il y a une bonne poignée d'années, le grand communicateur mosellan qu'était le maire de Metz, Jean-Marie Rausch, amateur de technologies d'avenir, avait fait ce constat sociologique au Sénat : "Le changement de société que nous vivons actuellement en passant de la société industrielle à la société de l'information transforme radicalement le comportement des hommes, et la société verticale et hiérarchique va probablement être remplacée par une société beaucoup plus transversale sous forme de réseaux ; la nouvelle société va s'administrer de par la volonté, l'espoir et l'esprit des gens, donc d'une manière totalement différente de la société industrielle ; or l'Etat, le gouvernement, l'état d'esprit français restent complètement ou presque basés sur le système de la société industrielle qui est pyramidal, c'est-à-dire hiérarchique et vertical."

Lisons donc peut-être aussi dans le "malaise des jeunes", que dit ressentir le ministre de l'éducation nationale, cette confrontation des sociétés verticale d'antan et horizontale de demain. Le numérique fait naître une civilisation en rupture : horizontale, transverse, e-médiate. La génération qui manifeste est celle des "digital natives", nés avec un mobile sur l'oreille et une souris dans la main. La génération Messenger, qui se mobilise par Texto, antijacobine par essence technologique, pour qui la télé, la radio, les journaux imprimés ne sont qu'arts mineurs. On note que, chez les jeunes de 15-24 ans, 50,3 % des contacts avec les médias se font hors ces trois piliers-là (contre 29,5 % pour l'ensemble de la population, sondage Médiamétrie).

Certains enseignants, parfois même dans les grandes écoles, font cette autre observation. Les jeunes adultes zappent d'un cours à l'autre, cherchant moins la magistralité que le partage d'expériences. On prend ou on ne prend pas. Cela rapproche, via la technologie, des modèles scandinaves. Pierre Forthomme, anthropologue et conseiller en management, rappelait dans La Tribune (2 juillet) que, dans l'enseignement suédois, dès l'école primaire, "l'écolier apprend que l'instituteur n'a pas le monopole du savoir et est encouragé à s'appuyer sur ses camarades pour apprendre et progresser. Dans un tel système, le citoyen fait très tôt l'expérience qu'il est naturellement en capacité d'avoir une influence sur le cours des choses. Certes, son influence est partielle, effective seulement si elle s'agrège intelligemment avec celle des autres, mais en aucun cas elle ne dépend du bon vouloir d'une autorité qui se situerait au-dessus". Pour la France, là est l'éventuel changement de paradigme.



Les manifs de la société horizontale, par Jean-Michel Dumay

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